boutiques ou sous les porches des palais, moi je ne dors pas. Je songe à ma solitude et j’en sens tout le
poids. Ma solitude ne date pas d’hier.
Je vois, au fond d’une impasse que le soleil ne visite jamais, un petit garçon de six ans, dresser un
piège pour attraper un moineau mais le moineau ne vient jamais. Il désire tant ce petit moineau ! Il ne le
mangera pas, il ne le martyrisera pas. Il veut en faire son compagnon. Les pieds nus, sur la terre humide,
il court jusqu’au bout de la ruelle pour voir passer les ânes et revient s’asseoir sur le pas de la maison et
attendre l’arrivée du moineau qui ne vient pas. Le soir, il rentre le cœur gros et les yeux rougis, balançant
au bout de son petit bras, un piège en fil de cuivre.
Nous habitions Dar Chouafa, la maison de la voyante. Effectivement, au rez-de-chaussée, habitait
une voyante de grande réputation. Des quartiers les plus éloignés, des femmes de toutes les conditions
venaient la consulter. Elle était voyante et quelque peu sorcière. Adepte de la confrérie des Gnaouas (gens
de Guinée) elle s’offrait, une fois par mois, une séance de musique et de danses nègres. Des nuages de
benjoin emplissaient la maison et les crotales et les guimbris nous empêchaient de dormir, toute la nuit.
Je ne comprenais rien au rituel compliqué qui se déroulait au rez-de-chaussée. De notre fenêtre du
deuxième étage, je distinguais à travers la fumée des aromates les silhouettes gesticuler. Elles faisaient
tinter leurs instruments bizarres. J’entendais des you-you. Les robes étaient tantôt bleu-ciel, tantôt rouge
sang, parfois d’un jaune flamboyant. Les lendemains de ces fêtes étaient des jours mornes, plus tristes
et plus gris que les jours ordinaires. Je me levais de bonne heure pour aller au Msid, école Coranique
située à deux pas de la maison. Les bruits de la nuit roulaient encore dans ma tête, l’odeur du benjoin et
de l’encens m’enivrait. Autour de moi, rôdaient les jnouns, les démons noirs évoqués par la sorcière et
ses amis avec une frénésie qui touchait au délire. Je sentais les jnouns me frôler de leurs doigts brûlants ;
j’entendais leurs rires comme par les nuits d’orage. Mes index dans les oreilles, je criais les versets tracés
sur ma planchette avec un accent de désespoir.
Les deux pièces du rez-de-chaussée étaient occupées par la Chouafa principale locataire. Au premier
étage habitaient Driss El Aouad, sa femme Rahma et leur fille d’un an plus âgée que moi. Elle s’appelait
Zineb et je ne l’aimais pas. Toute cette famille disposait d’une seule pièce, Rahma faisait la cuisine sur
le palier. Nous partagions avec Fatma Bziouya le deuxième étage. Nos deux fenêtres faisaient vis-à-vis
et donnaient sur le patio, un vieux patio dont les carreaux avaient depuis longtemps perdu leurs émaux
de couleur et qui paraissait pavé de briques. Il était tous les jours lavé à grande eau et frotté au balai de
doum. Les jnouns aimaient la propreté. Les clientes de la Chouafa avaient dès l’entrée une bonne impres-
sion, impression de netteté et de paix qui invitait à l’abandon, aux confidences - autant d’éléments qui
aidaient la voyante à dévoiler plus sûrement l’avenir.
Il n’y avait pas de clientes tous les jours. Aussi inexplicable que cela puisse paraître, il y avait la morte-
saison. On ne pouvait en prévoir l’époque. Brusquement, les femmes cessaient d’avoir recours à des
philtres d’amour, se préoccupaient moins de leur avenir, ne se plaignaient plus de leurs douleurs des reins,
des omoplates ou du ventre, aucun démon ne les tourmentait.
2
La Chouafa choisissait ces quelques mois de trêve pour s’occuper de sa santé propre. Elle se découvrait
des maux que sa science ne pouvait réduire. Les diables l’hallucinaient, se montraient exigeants quant à
la couleur des caftans, l’heure de les porter, les aromates qu’il fallait brûler dans telle ou telle circonstance.
Et dans la pénombre de sa grande pièce tendue de cretonne, la chouafa gémissait, se plaignait, conjurait,
se desséchait dans des nuages d’encens et de benjoin.
J’avais peut-être six ans. Ma mémoire était une cire fraîche et les moindres événements s’y gravaient en
images ineffaçables. Il me reste cet album pour égayer ma solitude, pour me prouver à moi-même que je
ne suis pas encore mort.
A six ans j’étais seul, peut-être malheureux, mais je n’avais aucun point de repère qui me permît d’ap-
peler mon existence : solitude ou malheur.
Je n’étais ni heureux, ni malheureux. J’étais un enfant seul. Cela, je le savais. Point farouche de nature,
j’ébauchai de timides amitiés avec les bambins de l’école coranique, mais leur durée fut brève. Nous
habitions des univers différents. J’avais un penchant pour le rêve. Le monde me paraissait un domaine
fabuleux, une féerie grandiose où les sorcières entretenaient un commerce familier avec des puissances
invisibles. Je désirais que l’Invisible m’admît à participer à ses mystères. Mes petits camarades de l’école
se contentaient du visible, surtout quand ce visible se concrétisait en sucreries d’un bleu céleste ou d’un
rose de soleil couchant. Ils aimaient grignoter, sucer, mordre à pleines dents. Ils aimaient aussi jouer à la
bataille, se prendre à la gorge avec des airs d’assassins, crier pour imiter la voix de leur père, s’insulter pour
imiter les voisins, commander pour imiter le maître d’école.
Moi, je ne voulais rien imiter, je voulais connaître.
Abdallah, l’épicier, me raconta les exploits d’un roi magnifique qui vivait dans un pays de lumière, de
fleurs et de parfums, par delà les Mers des Ténèbres, par delà la Grande Muraille. Et je désirais faire un
pacte avec les puissances invisibles qui obéissaient aux sorcières afin qu’elles m’emmènent par delà les
Mers des Ténèbres et par delà la Grande Muraille, vivre dans ce pays de lumière, de parfums et de fleurs.
Mon père me parlait du Paradis. Mais, pour y renaître, il fallait d’abord mourir. Mon père ajoutait
que se tuer était un grand péché, un péché qui interdisait l’accès à ce royaume. Alors, je n’avais qu’une
solution : attendre ! Attendre de devenir un homme, attendre de mourir pour renaître au bord du fleuve
Salsabil. Attendre ! C’est cela exister. A cette idée, je n’éprouvais certainement aucune frayeur. Je me
réveillais le matin, je faisais ce qu’on me disait de faire. Le soir, le soleil disparaissait et je revenais m’en-
dormir pour recommencer le lendemain. Je savais qu’une journée s’ajoutait à une autre, je savais que les
jours faisaient des mois, que les mois devenaient des saisons, et les saisons l’année. J’ai six ans, l’année
prochaine j’en aurai sept et puis huit, neuf et dix. A dix ans, on est presque un homme. A dix ans, on
parcourt seul tout le quartier, on discute avec les marchands, on sait écrire, au moins son nom, on peut
consulter une voyante sur son avenir, apprendre des mots magiques, composer des talismans.
En attendant, j’étais seul au milieu d’un grouillement de têtes rasées, de nez humides, dans un vertige
de vociférations de versets sacrés.
L’école était à la porte de Derb Noualla. Le fqih, un grand maigre à barbe noire, dont les yeux lançaient
constamment des flammes de colère, habitait la rue Jiaf. Je connaissais cette rue. Je savais qu’au fond d’un
boyau noir et humide, s’ouvrait une porte basse d’où s’échappait, toute la journée, un brouhaha continu
de voix de femmes et de pleurs d’enfants.
La première fois que j’avais entendu ce bruit, j’avais éclaté en sanglots parce que j’avais reconnu les voix
de l’Enfer telles que mon père les évoqua un soir.
Ma mère me calma
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غزة- الحياة الجديدة- استشهد 7 مواطنين على الأقل وأصيب آخرون، فجر اليوم ، بنيران وقصف الاحتلال على مدينتي غزة ودير البلح.
وأفادت مصادر طبية، باستشهاد 4 مواطنين وإصابة آخرين من منتظري المساعدات، برصاص الاحتلال جنوب شرق مدينة دير البلح وسط قطاع غزة.
وأضافت المصادر، أن ثلاثة مواطنين استشهدوا وأصيب عدد آخر بجروح، جراء قصف شارع الثاني في حي الشيخ رضوان شمال مدينة غزة.
وأشار القصف إلى أن قصف الاحتلال تسبب في دمار في منازل وممتلكات المواطنين، فيما تواصل طواقم الإسعاف والدفاع المدني عمليات البحث عن مفقودين تحت الأنقاض.
ومنذ السابع من تشرين الأول/ أكتوبر 2023، بدأت قوات الاحتلال عدوانا على قطاع غزة، أسفر عن استشهاد 61,599 مواطنا، أغلبيتهم من الأطفال والنساء، وإصابة 154,088 آخرين، في حصيلة غير نهائية، حيث لا يزال عدد من الضحايا تحت الركام وفي الطرقات، ولا تستطيع طواقم الإسعاف والإنقاذ الوصول إليهم.
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